Le changement et la perte

Il est des périodes de la vie où les changements se bousculent, ou plutôt, où nous nous sentons bousculés par le changement comme secoués par le tambour de l’essoreuse lancé à grande vitesse. S’il est clair que l’essoreuse ne va nulle part, ou au maximum en sautillant à quelques centimètres dans la buanderie en cas de balourd, les changements que nous subissons ou décidons sont autant d’opportunités pour nous de faire route sur notre chemin personnel.

Pourquoi est-il si difficile de changer, parfois? Pourquoi ce que nous voulons le plus s’assimile aussi à une grande perte?

Le changement de peau

Et bien, comme on l’apprend si bien à l’école de coaching, car pour grandir le serpent, le homard, ainsi que de nombreux animaux, doivent quitter leur peau, leur carapace devenue trop petite pour se donner la chance d’en occuper une plus à mesure, adaptée à leur taille et situation actuelle. Cependant, la période de la mue, le moment où l’animal quitte son ancienne peau pour une autre, est une période de grande vulnérabilité, où on se retrouve à vif, sans défense.  Et c’est tout sauf confortable.

Pour marcher il faut perdre l’équilibre. Pour naître, il faut quitter le ventre de sa mère. Pour naître à soi-même, il faut de la même façon quitter le confort de ce qu’on connaît, ses automatismes, ses routines rassurantes, pour un autre monde d’aventure.

Notre vie est une succession d’événements et de choix, qui constituent notre expérience unique lors de notre existence. Les personnes que nous rencontrons, celles que nous choisissons, notre environnement, tout ce qui va façonner nos valeurs et notre identité, et nous pousser à poser certains choix plutôt que d’autres.

Comment être ouvert à apprendre de ces événements qui se présentent tout au long de la route? Comment font ces personnes qui semblent aborder les choses de manière sereine en toutes circonstances? Quel est donc le secret des gens heureux?

Le bonheur oui, mais?

Le bonheur est un thème à la mode, sur lequel beaucoup est dit et écrit. L’homme occidental moderne l’a érigé comme une sorte de Graal, une quête, voire une utopie, le sac d’or au pied de l’arc-en ciel. Les philosophes se succèdent sur les plateaux TV pour en parler, nous en parlons à table avec nos amis, nous regardons les Youtubeurs qui le mettent en scène avec humour, ou sans selon leur talent (car il faut bien dire que certains psys qui parlent du bonheur en se filmant dans le décor sinistre de leur salon et avec une tête d’enterrement qui tangue avec la webcam ne sont guère très inspirants).

Alors, que ressort-il de tout cela? Qui sont donc ces gens heureux?

Je dirais, modestement, qu’il n’y a pas de gens heureux, mais des moments heureux et des personnes plus habiles que d’autres à saisir et cultiver ces moments. Que notre propension au bonheur est largement dépendante de notre capacité à concilier nos attentes et la réalité, à notre flexibilité à accueillir l’imprévu et à voir le beau et le bon en toute chose.

Au moment où j’écris ces lignes, certains pensent peut-être que je suis une sorte d’illuminée qui a été touchée par la grâce. Le bon et le beau dans toute chose, mais oui, d’ailleurs je persiste et signe. Et ce même si je suis moi-même parfois une excellente candidate comme membre d’honneur au Grumpy Club (clin d’oeil à un de mes amis à qui j’ai récemment proposé l’adhésion alors qu’il râlait sur les transports en commun de Bruxelles par réseaux sociaux interposés). Et même si je ne crois en rien, sauf en l’être humain et sa capacité à aimer. Ce qui n’est pas grand chose mais énorme à la fois.

Le beau et le bon en toute chose, vraiment?

Comment voir le beau et le bon quand on vit une catastrophe, un deuil, une maladie, une perte? Ce n’est pas toujours simple, et voir le beau n’occulte aucunement la douleur, et certainement pas dans un premier temps. Mais que nous dit cette douleur, ce manque? Elle nous dit l’intensité de la relation avec les personnes, avec le monde. Elle nous dit combien nous sommes humains et vivants, et notre volonté de le rester. Combien nous avons un idéal et des valeurs. Elle nous montre des ressources que nous ne soupçonnions même pas, la capacité d’être courageux, d’être seul face à soi-même, ou d’oser ressentir et montrer ses émotions. L’adversité nous révèle l’amitié, la solidarité, qui se trouve parfois où on ne l’attend pas, et pas où on l’attendait d’ailleurs.

La perte d’un emploi peut nous amener à se découvrir d’autres talents, d’autre intérêts, et une volonté et un besoin d’un autre rythme, de changer nos priorités, de nous recentrer sur l’essentiel. La perte d’une personne aimée nous rappelle combien la vie et nos proches nous sont chers, tout ce que cette personne nous apporté et appris. Les catastrophes apprennent l’humilité, notre condition d’être humains, un maillon de la chaîne, fort et faible à la fois. La liste est longue…

Alors, la perte et le changement ne sont pas confortables, mais que nous apprennent-ils? Ce n’est pas tant en répondant à la question qu’en se la posant que nous nous autorisons à faire un petit pas de plus sur le chemin du bonheur.

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